Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le produit de la collecte est censément affecté à soulager les infortunes des adeptes malheureux ; en réalité, il sert, comme les cotisations, à payer les frais de culte et de propagande.

Le Temple de l’Avenir est ainsi nommé, parce qu’il est exclusivement réservé aux séances de magie divinatoire. Une jeune dévadase, la sœur Indra, s’assit sur un trépied en fer ; le frère Walder la magnétisa. On enfonça de longues épingles dans les bras nus de la prophétesse, sans que le sang coulât, sans que les muscles eussent la moindre contraction, sans que son visage trahît la moindre souffrance. Puis, à la ronde, on lui posa des questions.

Il est inutile que je reproduise les nombreuses demandes et réponses de cette soirée. Chacun avait le droit d’interroger la dévadase magnétisée. C’étaient surtout les Indiens qui la questionnaient, et leurs demandes avaient trait à des renseignements particuliers, intimes même, qui n’avaient d’intérêt que pour eux.

Je m’approchai à mon tour de la sœur Indra, et, lui faisant toucher mon cordon du rite de Memphis, à moi délivré par le grand hiérophante de Naples, je lui posai la question suivante :

— Quelle est la profession de la personne de qui je tiens cet objet ?

La dévadase me répondit sans aucune hésitation :

— Cette personne est un frère, qui, dans le monde profane, exerce la profession de maître d’armes.

Pessina, en effet, donne des leçons d’escrime ; c’est, après la maçonnerie, la principale corde qu’il a à son arc.

— Voyez, continuai-je, voyez ce frère hier ; trouvez où il était à quatre heures de l’après-midi, et dites ce qu’il faisait.

Indra se recueillit quelques instants. Après une minute environ de silence, elle dit :

— J’ai franchi les mers. Je suis dans une ville italienne, au pied d’un volcan. Je vois l’homme dans sa chambre ; il écrit. Il porte une large chemise flottante, rouge. Il cachète sa lettre ; il met l’adresse sur l’enveloppe. Il se lève. Il est bien quatre heures de l’après-midi à la pendule qui est sur la cheminée de la chambre.

— Lisez, fit Walder, ce qui est écrit sur l’enveloppe de la lettre.

La dévadase se pencha, comme si elle était réellement dans la chambre de Pessina, auprès de la table où il écrivait la veille. Elle dit ensuite, ayant l’air de lire :

Cavaliere Vincenzo Ingoglia, Castelvetrano, Sicilia.

Plus que tous les autres, j’étais frappé de la précision de la réponse de la sœur Indra. Il est parfaitement exact que Pessina, ancien officier garibaldien, porte toujours, et surtout chez lui, la fameuse chemise rouge. En