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Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/560

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Eh bien, voici ce que c’est : il doit y avoir ce soir etjusque fort avant dans la nuit, réunion et expériences au gymnase spirite de la Germania, tout près de Unter-den-Linden, à Dorotheenstrasse même, à deux pas du Central Hotel, vis-à-vis de la gare… Il y a là, parmi les brasseries borgnes qui suivent l’Hotel Central, à gauche de la rue en montant vers la station de voitures (droschen), l’entrée d’un cercle où se réunissent les spirites un peu en vue de Berlin ; c’est le herr erste-portier[1] de l’Hotel Central où je suis descendu, qui, au vu de ma carte, m’a remis une invitation, après m’avoir d’ailleurs préalablement tuilé ; c’est un frère, et d’ailleurs c’est au Central-Hôtel, vous le savez sans doute, que les maçons en mission officielle descendent… Voulez-vous me faire l’honneur et le plaisir de m’accompagner à la réunion dont il s’agit ?… Nous tomberons, vous et moi, sinon en plein pays de connaissances, au moins nous y serons reconnus et bien accueillis ; et peut-être, si j’en crois ce que je sais déjà et ce que j’ai lu des expériences qui se pratiquent à ces réunions, ne regretterons nous, ni vous ni moi, d’avoir assisté à celle-ci, et n’aurons-nous pas perdu notre temps… Quant à moi, avoir un médecin pour compagnon est une chance inappréciable, et c’est moi qui serai votre obligé.

Le lecteur comprendra aisément que je ne me fis pas prier pour accepter l’invitation de mon suédois.

J’étais venu, je l’avoue, à Berlin un peu au hasard, sans autres renseignements que l’adresse du Directoire Administratif (Dorotheenstrasse, n° 27), et je n’avais pas encore eu le temps de me reconnaître et de me retrouver. Quoique n’ayant, cette fois-là, aucune mission officielle auprès du Directoire, il se trouvait que justement j’étais, comme mon suédois, descendu au Central-Hotel ; car, depuis longtemps, je le savais tenu par des frères de la Grande Loge de Royal-Arche ; d’ailleurs, tout le monde y descend, attendu qu’il est en face de la gare, en plein cœur de Berlin et à 200 mètres de Unter-den-Linden.

C’était donc une bonne fortune qui me tombait, que de pouvoir assister ainsi, sans peine ni dérangement, à une de ces réunions que je savais aussi être très sérieuses et très productives en phénomènes de toute nature, de l’autre côté du Rhin.

Tout en causant, le professeur et moi, nous avions, peu à peu et intentionnellement, semé la bande de bons maçons avec lesquels nous avions commencé la soirée. Il pouvait être dix heures et demie du soir ; et peu à peu aussi, sans nous en apercevoir, nous étions arrivés sur la célèbre

  1. Les hôtels de 1er ordre de Berlin ont en général deux ou trois portiers qui se relèvent de jour et de nuit, de telle sorte qu’il y a toujours quelqu’un pour répondre. Le portier s’appelle portier, prononcer portir (long) ; et le erste-portier, premier portier, est un personnage en général de confiance et très important. Ce poste est très recherché.