Aller au contenu

Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/731

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naissez si bien ?… Allons, mon cher ami, les voyageurs qui vous ont raconté pareille histoire se sont moqués de vous.

— Non, je n’ai pas vu la Chine, et tout de même je crois fermement que ce pays est suprêmement grotesque et que les voyageurs m’ont dit l’exacte vérité.

Voilà bien le sceptique. Vous lui ferez admettre une vérité, mais à la seule condition qu’elle ne touche à rien de son préjugé irréligieux. Sa cervelle à l’envers ne conçoit l’idée ni de Dieu ni du diable ; l’indifférence, mère de la négation, y est ancrée, et se refuse opiniâtrement à l’examen. Et c’est ainsi que, s’il lui arrive de discuter, ce n’est pas pour se rendre compte, pour apprendre ce qu’il ignore et ce que les autres savent ; mais c’est pour en revenir toujours à ses fausses idées préconçues, pour s’obstiner à fermer les yeux devant ce qui le gène ; sa discussion, pétrie de mauvaise foi et d’insanité, tourne dans un cercle vicieux. Une vérité de l’ordre surnaturel aura beau être évidente comme la lumière du jour ; dès l’instant qu’elle vient à l’appui des enseignements de l’Église, il clôt les paupières et ne voit rien. Intellectuellement, le libre-penseur sceptique est une autruche.

Satan le sait bien, cela. Et c’est une des raisons pour quoi il affectionne souvent, dans ses manifestations, le grotesque poussé à ses extrêmes limites : il fournit ainsi aux aveugles volontaires un prétexte de demeurer plongés dans leur cécité.

Examinez, entre parenthèses, les rituels de n’importe quel rite maçonnique. À côté d’une organisation, trop savamment combinée pour pouvoir être d’essence humaine, vous trouverez des pratiques d’une extravagance invraisemblable. Dans le Rite Écossais, par exemple, il y a un grade où le récipiendaire, les yeux bandés, est jeté sur une couverture tenue aux quatre bouts par des frères vigoureux ; on fait ainsi bondir dans l’air le néophyte, et, chaque fois qu’il retombe sur la couverture tendue, on lui dit qu’il vient d’arriver dans un nouveau ciel. À un autre grade, on fait mettre le postulant nu jusqu’à la ceinture ; des messieurs moustachus et barbus, armés de soufflets, vêtus de camisoles de femmes et de courtes jupes roses, comme des danseuses, lui soufflent du vent dans le dos, et le président annonce au postulant qu’il nage dans l’atmosphère du soleil. Ce sont là des stupidités voulues et d’invention bien satanique. Lorsqu’un auteur chrétien publiera des révélations sur la secte infernale, il fera forcément crier à l’invraisemblance dans le monde des sceptiques, et les francs-maçons, riant sous cape, diront :

— Vous voyez bien que cet écrivain est un calomniateur ; il s’est laissé emporter par la passion du mensonge ; il est allé trop loin dans ses prétendues révélations ; et, en dépassant les bornes, il a trahi son impos-