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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/22

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La chute de l’auto de course dans les flots n’avait pas fait de dégâts, Aucun accident à déplorer. Charlot était indemne et les baigneurs en avaient été quittes pour la peur. Par exemple, sitôt le juste moment d’émotion passé, ces derniers s’en prirent à l’intrus qui était venu, avec son engin de mort, gâcher leur plaisir et semer la terreur sur la paisible place de Troutrou-les-Sables. C’était à qui l’empoignerait soit par un bras, soit par une jambe, pour le renvoyer à son voisin, à la façon d’un ballon. Bientôt, ce qui avait débuté comme une démonstration punitive dégénéra en jeu. Les quolibets firent place aux invectives et l’hilarité serait devenue générale si celui qui en faisait les frais ne l’avait trouvée mauvaise et ne s’était abstenu de rire. À un moment donné, Charlot fut envoyé si loin qu’il retomba sur la tête de son patron. Sous la violence du choc, le constructeur du super-bolide qui se trouvait sur un Sable mouvant fut enfoncé en terre comme un piquet de tente.

Sans plus s’occuper de l’industriel enlisé, Charlot quitta la plage en proférant cette menace : « Je reviendrai ! — En attendant, bon voyage ! » lui cria-t-on. Charlot se dirigea vers le pays voisin qui s’appelait Bigorneau-sur-Mer. C’était une plage encore plus fréquentée que Troutrou-les-Sables. Il y avait un casino superbe et on y louait des canots automobiles, à l’heure, à la journée, à la semaine, à la quinzaine, au mois et à la saison. Charlot loua un de ces racers pour une heure. C’était tout ce que ses moyens lui permettaient de faire. « Une heure, se dit-il, c’est plus que suffisant pour ce que je veux entreprendre ! En allant pleins gaz, il faut dix minutes pour être à Troutrou-les-Sables. Autant pour en revenir, cela me donne 40 minutes pour évoluer dans les eaux de cette plage ! » Il en fut ainsi fait. Au beau milieu de l’après-midi, à l’heure du bain, le racer de Charlot vint semer la panique parmi les baigneurs, poursuivant l’un, puis l’autre, n’en épargnant aucun. Les plaintes ne tardèrent pas à affluer à la gendarmerie. Celle de Mme Beauminois, la notairesse, fut particulièrement accablante pour Charlot :

« Cet homme est un bolide humain ! Je n’hésite pas à le qualifier d’ennemi public no 1 ! Il doit avoir un tas de crimes sur la conscience, et l’on m’apprendrait qu’il est anthropophage que je n’en serais pas autrement étonnée ! Qu’attendez-vous pour l’arrêter ? — De le trouver ! » répondit le brigadier… sans enthousiasme. Le lendemain, le doyen des baigneurs de la plage rencontrant les gendarmes leur dit : « Dépêchez-vous, messieurs, si vous voulez appréhender le délinquant. Le bolide humain est revenu par ici. — Vous l’avez vu ? — Comme je vous vois ! — Où ? — Sur la route de Bigorneau ! Monté sur une machine d’une puissance inouïe, il s’apprête certainement à faire de la vitesse meurtrière. — Nous y allons ! » dirent en chœur les gendarmes. Sur la route, ils trouvèrent Charlot qui, dégoûté de la vitesse, pilotait à deux à l’heure un rouleau compresseur pour le compte d’un entrepreneur de travaux publics. « C’est un bolide du genre escargot ! dit le brigadier en s’esclaffant. — Brigadier, vous avez raison ! approuva le gendarme.