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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/36

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Il arriva un moment — moment critique s’il en fut — ou il n’y eut pour ainsi dire plus d’essence dans le résersoir du Crapaud-Volant. Et l’avion était toujours perdu au milieu de l’Océan, entre le ciel et l’eau. Pas une terre n’était en vue. « Nestor, mon ami, nous sommes dans de beaux draps ! gémit Charlot. — Il est évident qu’ils sont plutôt humides ! plaisanta Nestor d’une : voix-enjouée : — Il n’y a pas de quoi rire, imbécile ! reprocha Charlot. — Merci, patron ! Mais il n’y a pas de quoi pleurer, non plus. La situation te paraît désespérée parce que tu ne sais pas que j’ai eu la précaution, en quittant l’île-dépôt d’essence, d’emporter un bidon de ce précieux carburant… — Donne-le vite, dans ce cas ! il n’est que temps : » Nestor s’exécuta, Il sortit de la carlingue le bidon sauveur et le tendit à Charlot. Mais, hélas ! à ce moment l’avion rasait les vagues. Un énorme espadon sortit la tête des flots. Et, d’un coup de l’épée qui terminait son museau, il creva le bidon d’essence dont le contenu gicla et tomba à la mer.

« Saleté d’espadon ! » s’écria Nestor en constatant que sa précaution ne lui servirait de rien. Quant à Charlot, il maugréa : « Cette fausse joie, suivie aussitôt d’une amère déception, il y a de quoi vous faire attraper une bonne maladie de cœur ! Qu’allons-nous faire ? Attendre la noyade finale ? — Charlot, fit Nestor, ne nous laissons pas abattre ! Appelons la Providence à notre secours. Ou plutôt aidons-la à nous sortir du pétrin. Tout d’abord, continue à diriger ton avion dans cette direction, qui est la bonne. Si tu pouvais plafonner un peu plus haut, c’est-à-dire entre 10 et 13 mètres on ne risquerait pas de se faire couper par les lames. Du reste je monte sur le plan supérieur et je ne quitterai pas cette position élevée avant d’avoir découvert une terre… Mais… en voilà une, de terre ! C’est une île… — Hum ! s’écria Charlot, Je n’aime pas beaucoup les îles ! Jusqu’ici, elles ne m’ont apporté que des déboires. Enfin allons-y !

Je fonce sur le nuage qui flotte au-dessus de l’île. Cachés ans cette brume, nous pourrons voir si l’ile est habitée, et par qui. Et nous n’atterrirons qu’à bon escient, comme nous voudrons, dans un fauteuil… » Un sinistre craquement interrompit la tirade de Charlot. C’était le Crapaud-Volant qui rendait son dernier soupir. Faute d’essence, il mourait de soif et aussi de ce que Charlot avait pris pour un nuage, un immense panneau de bois qui, de l’autre côté, portait cette inscription en lettres capitales : « Soyez les bienvenus. » Inscription que les aviateurs purent lire de leurs yeux, vu qu’ils étaient passés à travers le panneau. Aussitôt, de derrière un palmier sortirent deux personnages bizarres et aussi dissemblables l’un de l’autre qu’il est permis de l’être : un nain et un colosse. Et, chose non moins bizarre, c’était le premier qui commandait au second. « Au cachot ! Au cachot ! » criait le nain de sa voix de fausset. Et le colosse d’empoigner docilement et de fourrer dans un sombre réduit Charlot et Nestor qui n’en revenaient pas de cette réception. « Encore heureux qu’on soit les bienvenus ! » ricana Charlot.