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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/45

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Charlot dit à Nestor : « Non, non et non ! J’en ai assez du métier de robot. À l’avenir, je ne consentirai à jouer ce rôle ingrat à aucun prix ! Du reste, nulle puissance au monde ne pourrait m’y obliger. — C’est parfaitement exact ! l’interrompit un vieux gentleman qui entrait ainsi, de plain-pied, dans la conversation des deux amis. Mais, ajoutait-il, si la place de majordome chez moi vous convient ; je vous l’offre volontiers. — Entendu ! » accepta Charlot : Et, prenant congé du trop pratique Nestor, il suivit le vieillard. Chemin, faisant, celui-ci lui expliqua : « Ce ne sont pas des domestiques ordinaires que vous aurez à commander… — Ah ! fit Charlot, ils ont deux têtes et quatre mains ? — Non. Maïs ce ne sont pas des êtres humains. — Alors, il s’agit de robots ? — Précisément| Mais, nous voici arrivés ! » Le vieux monsieur appuya, du bout de sa canne, sur le bouton de la porte, en criant : « Sésame, Ouvre-moi ! » Sésame — c’était le portier — obéit.

C’est-à-dire que, d’une violente poussée, il fit sortir la porte de ses gonds et elle tomba sur le maitre. Charlot constata à haute voix : « Ce portier fait bien mal son service. Il est temps que je vienne secouer les puces à ce mauvais serviteur ! » Le robot ne prit pas cette menace au sérieux. Comme il était de fabrication entièrement métallique, il ignorait ce que c’était que d’avoir des puces. Du reste, il avait autre chose à faire que d’écouter des remontrances. Il avait décidé, dans sa tête, pourtant sans cervelle, de se mettre en révolte contre tout commandement, d’où qu’il vint. Et, pour montrer à son patron cette volonté nouvelle, il tomba sur lui à bras raccourcis, Naturellement, Charlot prit de suite la défense du gentleman, comme c’était son devoir. Et les coups de badine se mirent à pleuvoir sur la carcasse métallique du robot : « Ne l’abimez pas ! » protestait le vieux monsieur qui tenait à un personnel… qu’il avait payé très Cher au fabricant. Sans l’écouter, Charlot ne lâcha le robot que lorsqu’il en fut venu complètement à bout. Pour lui faire lâcher prise, il fallut l’intervention de Pulchérie, la cuisinière en acier chromé.

Cette femme-robot — ou ce robot femelle, comme l’on voudra — se solidarisait avec l’homme-robot. Par ses soins, Charlot reçut donc toute une casserolée de soupe aux poireaux en pleine figure. « Encore heureux qu’elle n’est que tiède ! » constata le majordome. Et il empoigna cette virago mécanique par le bout du nez, dans l’intention de lui administrer une volée de coups de badine, histoire de la remettre à la raison. Alors, du fin fond du jardin qui se trouvait derrière la maison accourut le robot-jardinier, suivi du groom-robot-négrillon. Charlot reçut, sur le crâne, un formidable coup de bêche, heureusement amorti par son épaisse chevelure frisée. Quant au groom-robot-négrillon, il prouva à Charlot qu’il n’ignorait aucune des finesses de la boxe. « Mais… c’est une révolution ! » gémissait le maître de la maison qui commençait à reprendre ses sens. Charlot, lui, se contentait de grommeler : « Ah ! mais… je vais me fâcher | Qu’on ne me pousse pas à bout !… »