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Page:Thomen - Les Aventures acrobatiques de Charlot — Charlot aviateur.djvu/51

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C’était au plein cœur de l’été. « Nom d’une pipe ! s’écria Charlot. Ce qu’il fait soif ! Je m’offrirais volontiers un demi de bière, à la terrasse d’un café, si mes moyens me permettaient cette dépense superflue. Mais voilà… » Ce « voilà » voulait dire que Charlot était, ruiné, une fois de plus. Ah ! il était loin le billet de mille donné par le vieil automobiliste qui l’avait soi-disant écrasé ! À défaut de bière Charlot eût volontiers dégusté un de ces cornets de crème glacée — vanille, framboise ou café — que débitait ce commerçant, moyennant la modique somme d’un franc, Un de ces cornets de crème glacée dans le genre de celui qu’une dame venait d’acquérir en versant ses vingt sous. Et pourquoi pas celui-là même ? Oui, au fait, pourquoi pas ? Charlot prit la friandise des mains du glacier, avala la crème glacée d’un trait, comme il eût fait d’un bock, et coiffa du cornet de pâte le nez de la dame qui réclamait son bien d’une façon tellement insistante, qu’elle en devenait déplacée.

« Vous comprenez, madame, dit Charlot dignement, vous finiriez par me faire remarquer et cela m’est très désagréable ! » Remarqué, il l’était déjà par le glacier. Cet honorable commerçant se jugeait responsable du préjudice causé à sa cliente, à qui il n’avait pas su remettre le cornet en mains propres. Après s’être chargé d’un gros bloc de glace à rafraîchir destiné à la fabrication de ses sorbets, il s’élança à la poursuite du délinquant. « Où est-il ? Où est-il ? » demandait ce brave homme à tous les échos. Naturellement, il ne recevait aucune réponse à sa question. Et il allait renoncer à sa vengeance, quand il aperçut celui qu’il cherchait : « Ah ! ah ! ricana-t-il, puisque tu aimes la glace, en voilà ! » Le bloc d’eau congelée, lancé d’une main sûre, glissa sur la chaussée et vint buter contre les talons de Charlot qui, instinctivement, sauta en l’air.

Charlot retomba sur le bloc de glace qui n’arrêta pas pour cela sa course glissante. Rivé par la semelle de son soulier à ce piédestal frigorifié, Charlot se laissa véhiculer. Il traversa ainsi une rue, à un endroit qui n’était pas muni de clous. De l’autre trottoir, arrivait en sens inverse un gamin plongé dans la lecture de Junior. À ce moment, un motocycliste s’engageait à toute allure dans cette rue où passaient peu de voitures. « Ah, mon Dieu ! Mon pauvre Boby ! » s’écria une jeune femme, la maman du gosse, sans nul doute. Eh bien, elle en fut quitte pour la peur. Grâce à Charlot, celui-ci passa de justesse devant le motocycliste, empoigna le dénommé Boby au passage et le remit à sa maman. Voilà comment notre héros fut amené à faire une bonne action, du fait qu’il en avait commis une mauvaise un peu auparavant.