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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/112

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FIGURES DANS LA NUIT

– Nous ne pouvons pas te donner l’amour, mais nous pouvons te consoler de lui, chère fille. Avec ton regret et ta pudeur, sentiments confus, douceur amère et feu caché, avec ton cruel tourment d’aujourd’hui, ô Sosipatra, tu feras ta gloire de demain. Cet amour dont tu n’as pas joui, tu l’as connu, puisque tu souffres. Le désir de l’amour, c’est l’amour. Chante donc, beau rossignol féminin ! Chante ta peine, et délivre-toi de ton regret par ta chanson. Philosopher ne console que les hommes. Femme, et maintenant vraiment femme, chante pour te désenchanter ! D’une passion vulgaire, indigne de toi, tu feras un poème sublime. D’un sot, tu feras cette figure éternelle de l’Amant, où chaque femme, comme en un magique miroir, reconnaîtra son propre rêve.

Une caresse immatérielle, un souffle venu de l’éther sidéral, passa sur les tempes chaudes et sur les paupières brûlées de Sosipatra, qui se réveilla de son rêve…