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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/114

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FIGURES DANS LA NUIT

du chant, une paix inconnue s’établit dans l’âme de Sosipatra. Elle retrouva la santé, le calme du cœur et des sens, un bonheur plus doux que la joie, et sa beauté même accomplit alors sa perfection. Philométor put bien venir chez elle. Sosipatra ne le craignait plus. Il lui semblait la maladroite copie du Philométor idéal dont elle contemplait, en elle-même, l’image. Et Maxime, voyant cette guérison miraculeuse, l’attribuait à ses incantations. Bouffi d’orgueil, il disait à Sosipatra :

– Tu vois : seul, j’avais deviné ton mal ; seul, je t’ai guérie.

Et Sosipatra, par bonté, le laissait dire, songeant, à part elle, que le bon Maxime, bourré de formules et suant la science par tous les pores de sa peau, ne comprendrait jamais rien au cœur des femmes.

Les poèmes qu’elle composa devaient être publiés après sa mort. Hélas ! le manuscrit original, unique, a disparu. Mon père prétendait que les philosophes, – j’entends Maxime et ses disciples – qui survécurent à Sosipatra, firent volontairement le silence sur ce qu’ils appelaient « l’erreur d’un beau génie ». Sans doute ont-ils détruit ces poèmes