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LÉGENDE DE DUCCIO ET D’ORSETTE

vrage de broderie pour s’asseoir, avec Duccio contre ses genoux, dans l’ébrasement d’une fenêtre, et conter à l’enfant toutes les singularités du pays. Elle lui disait l’histoire des comtes Guidi, les vertus de la bonne Gualdrade qui avait habité la même chambre peinte, et la légende de la méchante comtesse enfermée dans la Tour des Diables. Elle lui montrait le côté où est Arezzo, cité gibeline, et le côté où Florence, cité guelfe, fleurit derrière le haut rempart des monts ; mais elle préférait l’entretenir d’histoires édifiantes. Elle lui parlait de saint Romuald, qui fonda le monastère des Camaldules, et de saint François, qui fonda celui de la Verne, tous deux dans l’horreur des forêts sauvages, dans la neige et le vent des longs hivers, très loin des hommes, tout près du ciel. Et parce qu’elle avait une dévotion particulière à saint François, elle regardait toujours, avec une pieuse dilection, la haute masse bleuâtre de la Verne, pareille au château de poupe d’une nef qui s’incline et va sombrer.

– Ô mon fils Duccio, disait-elle, admire ce lieu vénérable où saint François fut marqué des cinq plaies du Christ. Cette montagne est la plus sainte qui soit au monde,