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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/131

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LÉGENDE DE DUCCIO ET D’ORSETTE

Ils étaient encore bien loin du couvent et traversaient un bois de pins, lorsque Duccio, qui marchait en avant des autres, aperçut une forme couchée à terre, comme d’une personne roulée en un manteau de velours noir, et dormant, le visage caché. En approchant, il vit du sang sur le manteau et du sang sur la mousse, ce qui lui fit jeter un cri :

– Père Bénédict ! Un homme gît, assassiné…

Le vieux moine, ému de compassion, répliqua :

– Il faut le secourir, frère Duccio !

Et il pressait le pas. Mais sans l’attendre, Duccio avait soulevé le manteau qui enveloppait l’inconnu : « Qu’est-ce là ! » pensa-t-il, en voyant une masse de cheveux blonds et une figure aux yeux clos, toute pareille à ce que serait la figure d’un ange si les anges pouvaient mourir. Il écarta les tresses soyeuses et découvrit l’épaule nue d’une femme qui portait une blessure au sein. Le sang coulait en filets rouges sur la chair blanche, sur la robe noire brodée d’or, sur les tresses défaites que retenaient mal des nœuds de perles. La femme toute jeune, et qui semblait de haut rang, était mourante, sinon morte, et insensible.