Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
FIGURES DANS LA NUIT

À cette vue, Duccio resta sans voix, ne sachant si c’était crainte ou pitié qui lui coupait l’haleine. Le Père Bénédict fut bien marri de trouver là cette femme ; et, comme une poule sa couvée, il voulut protéger ses novices contre les entreprises de Satan. Il songeait aux démons femelles qui obsédaient saint Hilarion et saint Antoine dans leurs oratoires du désert, et jusqu’en leurs lits de roseaux. Donc, faisant le signe de la croix, il murmura la formule de l’exorcisme, mais la femme évanouie ne s’en alla point en fumée infecte et le Père Bénédict connut qu’elle était de chair baptisée, en grand péril de mort et de damnation. La charité l’obligeait à secourir cette chrétienne, et, d’autre part, il se rappelait la prudence de saint François qui ne se permettait de lever les yeux sur aucune femme. Dans son incertitude, le bon Père Bénédict résolut d’accomplir, d’abord, le devoir étroit de la charité, et de transporter l’inconnue, de la manière la plus décente, jusqu’au village voisin, chez d’honnêtes paysans qui prendraient soin d’elle. Au nom de la sainte obéissance, il dit aux jeunes Frères de casser des branches de pin et de composer une civière avec quatre