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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/143

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LÉGENDE DE DUCCIO ET D’ORSETTE

pécheur, d’elle pécheresse. Il lui semblait que cette créature d’en bas le tirait à elle, et que tous deux, par une décision du Juge éternel, auraient le même destin. Cette pensée était si forte en lui qu’il voyait souvent, dans ses rêves, l’Orsette pâle et blessée, étendue sur la civière de branchages. Elle le regardait de ses grands yeux verts, vagues et tristes, et elle disait :

– Je t’attends, Duccio. Hâte-toi.

Il s’élançait vers elle, les mains tendues, mais il ne touchait qu’un cadavre en putréfaction.

Ce songe, à longs intervalles, se reproduisait, avec des circonstances identiques, et Duccio n’en retenait que l’appel amoureux :

– Je t’attends. Hâte-toi !

Et il se hâtait, courant de ville en ville, cherchant la courtisane aux lieux que hantent les courtisanes. Jamais il ne put la découvrir et toujours davantage il se pervertit. Une nuit, à Ancône, une femme ivre lui raconta qu’elle avait bien connu l’Orsette, laquelle, fuyant son assassin, s’était embarquée dans ce même port, sur un vaisseau qui allait à Constantinople. Elle avait alors pour amant un Grec très riche qui la couvrait d’or et de vair