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Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/174

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FIGURES DANS LA NUIT

sans autres lapis que des peaux de loup et de renard jetées sur la pierre brute, comme au temps fabuleux du roi Arthur. On y venait aussi d’énormes bahuts, un vaisselier chargé de faïences de Quimper et de plats d’étain, une table, des escabeaux, un banc à dossier et six fauteuils au point de Hongrie. Au-dessus de la tenture étaient disposés des « massacres », des tètes de sanglier naturalisées, et — les armes ayant été confisquées par un commissaire amateur de belles panoplies — quelques lances, hachettes, poignards, sagaies aux formes affreuses, trophées sauvages rappelant les lointaines navigations de M. de Kerdren. L’objet le plus remarquable de cette collection était une grande figure de femme, en bois, rehaussée de peintures barbares, la tête et le torse nu assez bien conservés, le bas du tronc et les jambes d’une seule pièce, comme les Termes des jardins, mais si grossièrement taillés, si profondément rongés, qu’aucune forme de membres humains n’y était plus reconnaissable. Les bras avaient disparu, — peut-être n’avaient-ils jamais existé. Cette figure, mexicaine ou caraïbe, était dressée contre le mur et, dans la pénombre traversée de rougeurs