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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/298

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et c’est toujours le mari le plus heureux des trois… »

Jacqueline était tombée assise sur le tabouret du piano, les yeux troubles, les mains glacées, n’osant lire la lettre ouverte sur ses genoux. Les notes de la partition dansaient follement sur les portées et l’air d’Alceste chantait dans la mémoire de la jeune femme… Elle revoyait le salon de Suzanne Mathalis, le groupe des femmes en robes claires, les indiennes de Perse flottant sur la baie et Chartrain en face d’elle, torturé d’amour… Ah ! les baisers muets dans la voiture, le ciel éblouissant, la chambre des noces amoureuses où le clair de lune inondait le tapis comme une mare de lait !… Non, par les joies et les douleurs, elle ne voulait pas… Elle ne pouvait pas vouloir cette rupture affreuse… Vainement, Étienne avait demandé trois jours pour réfléchir, pour décider de leur destinée. N’avait-elle pas dit, écrit, pensé mille fois que rien ne sépare ceux qui s’aiment ?

Elle rassembla ses forces et elle lut :


« Ma pauvre amie, ma bien-aimée Jacqueline, tu m’es plus chère que jamais. Pendant ces trois jours de méditation solitaire, j’ai longue-