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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/106

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bon sur les tables ; et Nane, enfouie en un profond fauteuil, bientôt s’absorbe à sucer d’une paille attentive je ne sais quelle eau couleur de couchant.

Le grand Machin a gagné aux courses ; d’autres y ont perdu : excellente préparation à faire de la dépense. La plupart tombent d’accord de dîner ensemble, et qu’il faut donner le ton de la vraie fête à tous ces étrangers qui encombrent Paris ces jours-ci. Moi, je dîne en ville : « Pas d’importance, me dit-on, si vous nous prêtez Nane. »

« — Je vous la donne ; mais ne la maltraitez pas. Elle a l’habitude d’être caressée : j’aimerais mieux la tuer que si on devait lui donner des coups de pied.

« — Merci, dit-elle. Est-ce qu’il faut remuer la queue ?

« — Il faut être à onze heures et demie au Schubert, où je vous attendrai.

« — Ça va. »

À minuit je les retrouve tous, un peu bruyants même. On a fêté, au dessert, une débutante cueillie Dieu sait où, et rebaptisée : Blanche de Chahut. Elle est silencieuse et servile : on regrette de n’avoir pas des chaussures sales, pour lui faire faire quelque chose.