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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/135

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ans ce pays de billets, le joli son de l’or, discret « leitmotiv » de Pallas, sous les doigts du changeur.

Ces Italiens sont d’une impudence gracieuse : ils vous marchent sur les pieds avec des révérences. Nous étions, hier, Nane et moi, à la terrasse de cette pâtisserie si joliment levantine qui fait face à San’ Giminiano<ano>L’église de San Giminiano a été démolie au commencement du 18e siècle.</ano>, quand débouchèrent du Broglio l’inévitable Gondolphe, et un jeune homme très beau, bestialement, avec de trop petits pieds chaussés étroitement (cuir jaune et vernis). Celui-là, dénommé Dolcini, ne parle pas ; mais il regarde avec des yeux si humides que j’ai envie d’essuyer les joues ovales de mon amie, où s’est posé son regard.

Il nous quitta, et Gondolphe, que le zucco semblait rendre plus communicatif encore qu’à l’ordinaire :

— Si vous aviez connu, dit-il, sa mère, la marquise. C’était une Vénus. Avec ça et des seins de pierre, monsieur.

— Ça devait lui peser, remarque Nane, en portant la main vers sa gorge.

Et notre ami ajoute rêveusement :

— Ç’a été ma première maîtresse. Ah ! ça ne nous rajeunit pas.