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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/137

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pendant que je n’ai, moi, que deux ou trois photographies.

— Les domestiques en auront peut-être cassé.

— Mon chéri, lui dis-je, chagrin de son irrespect, les domestiques de l’Élysée ne cassent rien. Les patrons non plus, d’ailleurs.

Cependant, sous le ciel gris de perle, Venise amortit ses verts et éclaire ses roses.

— Un Sisley, dit Nane.

Car elle me comble maintenant d’opinions jusque dans les minutes les plus sacrées ; et j’ai perdu tout espoir qu’elle se taise jamais plus, comme au temps où je lui avais persuadé que le silence donnait une expression ironique à son visage.

Elle me croyait, alors.

— Sisley ? lui dis-je.

C’est comme si elle me parlait d’un corps chimique nouveau : je prends un air bête, mais bête, qui la fait écumer tout de suite. C’est la vengeance des pauvres hommes, ces jeux de physionomie : les seuls, dit Eliburru, où l’on ne perde point son argent.

— Vous n’allez pas, me dit cette gracieuse personne, me charrier longtemps, je pense.

Elle s’irrite, au fond, que je ne croie plus