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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/144

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— Vous vous souvenez ? Ils ont joué ce même air chez Paillard.

— Non, je ne me souviens pas.

— Vous autres hommes, soupira-t-elle, vous n’avez pas de sensibilité.

Que fait-elle maintenant, Nane ? S’il n’y avait rien de vrai dans mes soupçons, et qu’elle soit à se coucher toute seule, bien sage, lasse de m’attendre ? Sa belle liquette chauffe auprès du feu ; mais la batiste en restera froide par places. Et cela, tout à l’heure, la fera frissonner ; comme un étang où soudain l’on s’écrie à rencontrer, sous l’eau dormante, une eau plus froide, et qui court.

C’était à peu près comme j’avais prévu, sauf que Nane avait choisi de faire chauffer sa chemise sur elle-même. Accroupie auprès du feu, elle transparait à travers le lin, et il semble que la flamme l’ait dorée ; ou plutôt, sa chair a la nuance d’un quartier de mandarine. Maintenant, elle me guette du coin de l’œil, et pose ; moins orgueilleuse de la décisive géométrie de son corps que de sa chair voluptueuse, qui vous met l’âme au bout des doigts, de sa hanche qui se tend ou de ces secrètes ombres dont elle voit que ma figure malgré tout s’émeut.