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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/152

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Nane me quitte pour patiner, je la suis de l’œil, qui glisse et tourne, pleine d’une languissante aisance : si elle se flanquait par terre, au moins ; qu’elle fût ridicule, et criât. Mais le ciel reste sourd d’ordinaire à nos vœux les plus légitimes.

Quelqu’un vient s’accouder à côté de moi : c’est Yeïte, jolie fille, qui est en train de passer à la mode, non sans y recruter vraiment un peu trop d’électeurs. Mais il n’y a pas un an encore, il faut le dire, qu’elle faisait de la figuration dans les tavernes du quartier Latin ; et il lui en reste quelque chose.

— Ah ! ah ! me dit-elle ! nous z’yeutons Madame. (Beaucoup de gens ont cette opinion déraisonnable que je suis jaloux de Nane.)

— Si vous saviez ce que cela commence à me laisser froid. Elle ne m’en fera jamais autant que je lui en voudrais rendre — avec vous.

— Chich !

— Mais êtes-vous veuve ?

— Vous parlez, Charly. Mon sénateur est à la chasse, et de ce temps-là je travaille aux pièces.

— Venez jusqu’au bar : je vous raconterai une histoire. — Qu’est-ce que vous buvez ?

— Un marathon cocktail.

On nous sert.