Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/154

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et l’on y pouvait monter par une échelle, si l’on n’aimait pas mieux prendre l’escalier.

Tout de suite j’aperçus Nane, debout, une coupe à la main, qui causait avec deux hommes. Elle me vit aussi, me fit un signe de tête, et, sans paraître remarquer à côté de moi Yeïte, qui était pourtant charmante assez pour éveiller en elle quelque inquiétude, reprit sa conversation.

Il me faut avouer que ce parti pris d’indifférence ne m’agréa point : j’ai déjà dit que je n’étais plus amoureux de Nane ; mais enfin, de la trouver familière ainsi, rieuse, abandonnée presque envers des gens qui n’étaient même pas de mes amis, était à mon sens une espèce d’inconvenance. À ce moment, son voisin de gauche, un peintre norvégien que je connaissais un peu, enveloppa son bras nu d’une main épaisse, dont je me rappelai qu’elle était couverte de poils roux ; et il me sembla soudain que cette chair ambrée, dont je pouvais me rappeler le goût rien qu’en fermant les yeux, en était comme souillée. Elle cependant appuyait ses doigts délicats sur l’épaule de l’autre homme ; ses yeux mordorés, qu’elle avait détournés de moi, étaient sans doute fixés sur lui ; et il me parut ridicule, de petite taille,