Aller au contenu

Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec une tête à la Boulanger, trop grosse, branlante, dont tout son corps paraissait comme accablé.

Je me demandai ce qu’il pouvait bien être officiellement : pour ce soir, gigolo sans doute, ou même pis ; fait à souhait pour respirer en eau trouble, et rapporter à la maison les fleurs des vieux messieurs. Et, d’une gracilité qui semblait déjà près de s’épaissir, pareil à un cochon de lait bien en chair, il faisait, sous son frac très ajusté, les mines d’un ancien joli enfant.

Je m’oubliais un peu à ces menues observations, où j’avais plaisir à constater qu’il n’entrait ni partialité, ni amertume, lorsque ma compagne à la queue d’écureuil, lasse peut-être de rester là debout sans rien dire, me rappela à la courtoisie en me tirant par la manche. Je la menai aussitôt au buffet, où elle se fondit, dans la cohue et la conversation, comme du beurre aux doigts d’une cuisinière.

Tandis que j’essaye de renouer mes inductions psychologiques, quelqu’un me frappe sur l’épaule. C’est mon peintre Scandinave, et, comme il ne m’a jamais vu avec Nane, je le fais causer, sans effort, le ciel l’ayant créé d’un naturel bavard et poétique.