Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/170

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Je me penche aussi pour découvrir sur son beau visage les grimaces de la contrariété ; mais, au même instant, je la vois changer de couleur : ses yeux se fixent épouvantés sur un couple qui est en contre-bas de nous et qui, peu soucieux sans doute ou ignorant de notre présence, s’abandonne au plaisir de la conversation.

C’est d’abord une espèce de géant qui rit d’un accent germanique sous sa « tête », tandis qu’il étudie, de ses mains énormes et laiteuses, un masque d’apparence plus aimable, une soubrette, qui, ayant quitté son domino, le porte roulé sur un bras et demeure là en ce galant déshabillé d’estampe. Elle a gardé du fil de fer sur la figure, mais ses épaules sont nues, blanches au demeurant et ornées d’un large collier d’or vert, de perles, d’opales.

C’est ce collier que Nane contemple avec une attention passionnée. Enfin, elle s’exclame tout haut ; la soubrette, ayant levé les yeux, nous aperçoit, quitte aussitôt son antagoniste et s’esquive parmi la cohue.

— Saleté ! siffle Nane, et, prenant mon bras : Venez, me dit-elle, il nous faut l’attraper.

Dire que l’enthousiasme m’attache ses ailes aux pieds serait une exagération. Je suis,