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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/178

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laisser derrière elle que le sillage inquiétant de son souvenir. C’est ainsi qu’en été, au crépuscule, un large papillon, fait d’ouate noire, entre par la fenêtre avec l’odeur des herbes et des arbres, palpite autour des lampes, un instant, et de nouveau se perd dans la nuit.

Puis vint Primavérile de Ver, petite et charmante personne, aussi printanière que ses noms, et qui aime à se vêtir, comme un tabouret Louis~XVI, de rayures et de fleurs. C’était, de les voir toutes deux ensemble, maints délicats tableaux : on aurait juré qu’elles s’aimaient vraiment. Cela n’allait pas même sans un peu de jalousie, et j’eus d’abord à en souffrir du côté de Primavérile. Elle laissa percer plus d’une fois le déplaisir que lui causait ma présence entre elles ; et jusqu’à me traiter de « fourneau », ce qui n’avait aucun sens, comme je lui en fis la remarque.

Il est vrai de dire qu’elle se montrait tout autre aussitôt que Nane avait le dos tourné. L’impertinence était alors remplacée par les plus séduisantes agaceries, des airs mutins, une main sur mon épaule, et le spectacle multiple de ses jambes au milieu de ses jupes ; spectacle, en vérité, bien propre à émouvoir un honnête homme.