Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passait loin de son quartier ; et les femmes de sa classe, toujours occupées, n’ont point le temps de se bâtir des malheurs en Espagne, ni d’imaginer des rivales dans l’inconnu. Si elles sont jalouses, mal dont elles ont leur part, c’est d’une voisine ou d’une parente ; de la personne qui les touche de près. La plupart le deviennent de leurs filles, et non point toujours sans raison. Mais la fille de Clo-Clo était bien jeune encore ; et puis l’électricien, placé, par un métier mal défini, à mi-côte entre le « sublime » d’atelier et M. Joseph Prudhomme, était une façon de demi-bourgeois : Évenor avait des préjugés.

Il en nourrissait contre Nane, sa belle-sœur, que lui avaient fournis les romans-feuilletons, ces moules-à-gaufre de la conscience populaire. La Bacchanal d’Eugène Sue et sa sœur touchante, la Mayeux, qui trime, tandis que l’autre mène une fête Louis-Philippe à dégoûter des vices les plus beaux, ont enfanté une famille nombreuse, redoutable, où le peuple croit reconnaître ses filles, et se réjouit de voir maudire leur déshonneur en mauvais français. C’est là aussi que Lemploy avait puisé cette opinion que le métier de courtisane est mal compatible avec la décence ou la vertu, alors qu’il ne l’est pas même avec l’amour.