Aller au contenu

Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

i près, dressée, comme un bel écran, devant le grand feu du cabinet de toilette. À travers le linon et la mousseuse mousseline, les courbes de sa chair sont trahies et dorées par la flamme :

— Vous êtes jolie, comme ça, Nane : on dirait une pêche Bourdaloue.

— Oui, il faut bien se mettre en frais pour sa famille. Vous permettez que je continue. Avec vous, je ne me gêne pas.

— Hélas !

— Et puis, je voudrais lui faire comprendre, à cet homme de science appliquée, qu’il y a d’autres femmes que son épouse — pas pareilles. Oh ! en tout bien, tout honneur, vous savez.

— Et quand même, Nane ! Ça ne sortirait pas de la famille. Mais lui donne-t-on un bon dîner, au moins ?

— Il y a des machines avec du poivre frais ; d’autres, au safran...

— Vous croyez encore aux épices.

— Et puis du champagne tout autour : ils adorent ça. Chez moi, quand j’étais gosse, on en parlait comme du sang de Jésus. Et la première fois qu’on m’en a fait boire, dans une flûte — quand j’ai fermé les yeux pour sucer la mousse, elle est descendue tout le long,