Aller au contenu

Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le long de ma gorge, avec un picotement. Il me semblait que j’avais un cou qui n’en finissait pas, un cou de cygne. Et il me semblait aussi que l’amour, ça devait être quelque chose dans ce genre : la tête qui tourne, un plaisir léger, tout près de faire mal.

— Et ça n’est pas ça ?

— Ah ! vous pouvez en faire courir le bruit. Le Champagne aussi, ça n’est plus le même. On a beau fermer les yeux, on voit toujours l’étiquette : Duc d’Autrechose, Goût Américain, etc. Et la peluche de canapé. Ah !...

— Moi, la première fois que j’ai donné un baiser à une femme, c’était sous un noyer, où nous avions été rabattus par une de ces averses de printemps...

— Quelle idée de ne pas choisir l’automne : un beau matin d’automne à la campagne, quand l’eau du puits, dans le tub, sent la feuille morte, et que le ciel, derrière les carreaux, change toutes les dix minutes de couleur d’yeux.

— Alors la petite me dit...

— Écoutez, mon vieux, interrompt Nane, vous ne comptez pas me conter toutes vos amours, depuis le premier ; et avec le décor encore. Même sans avoir été très séduisant, on a toujours des souvenirs, à votre âge.