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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/42

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montions à la Raillière, tous les soirs, et que Jacques arborait le béret pyrénéen ?

— Vous rappelez-vous comme il soufflait pour monter aussi vite que nous, et ce qu’il avait été jaloux, un soir que nous avions été prendre des glaces sans lui ?

Je feins de me rappeler très vivement, quoique cette saison à Cauterets, qui remonte à deux ans déjà, ne m’ait laissé que des souvenirs confus, au moins quant à Nane. Mais ce soir je ne saurais lui refuser rien, pas même un mensonge.

Étendue très de côté, ce qui la fait hancher, sur un de ces longs fauteuils de bord en rotin, où il y a un trou à l’avant-bras pour mettre son verre, elle est toute calée de petits coussins et de plaids. Et elle réveille en moi des images anciennes de voyage. Par-dessous le bruit de nos paroles, ressuscite un peu de passé : autour d’un pont de paquebot, la miroitante mer des Grandes Indes ; et les filaos qui pleurent aux bords d’une île ; ou bien la grâce dormante des créoles, si lasses de n’avoir jamais rien fait.

Cependant le dîner s’est achevé. On sert le café là même ; et Nane, sans plus dire mot, sourit vers moi de sa bouche puérile. Il y a quelque chose, ce soir, dans son sourire, que