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Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/99

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— Je vais vous dire. Il y avait une fois un sophiste athénien qui s’occupait de politique, et s’il était, peut-être, socialiste de gouvernement, je ne sais. Toujours est-il qu’un après-dîner il sortit de chez lui pour aller dire un grand discours qui devait maintenir entre les mains de son parti le contrôle des douanes, devoir patriotique extrêmement fructueux à accomplir. Mais comme il passait devant la porte du bel Agathon, il aperçut, au pied du figuier qui l’ombrageait, je ne sais quelle agitation minuscule. À y regarder de plus près, c’était des fourmis ; et notre homme s’en amusa fort un moment, puis un autre ; tant que l’heure y passa. Des gens chevelus vinrent enfin, au désespoir, lui annoncer que tout était perdu, la République compromise, les douanes, jusque-là affermées à d’honnêtes Phéniciens de leur bord, livrées aux prêtres de Delphes. Ils prononcèrent même les mots d’« obscurantisme » et de « flabellon ». Cependant le sage s’occupait de transporter un fétu dont deux fourmis, des plus vaillantes, n’avaient jusque-là pu venir à bout.

— Voilà un grec ! Mais moi, les fourmilières, je n’ai jamais su qu’y flanquer des coups de pied. Sans compter qu’on n’en rencontre pas toujours dans les rues de Paris.