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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/116

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— Chut !… dit-elle en indiquant d’un mouvement de tête le magasin où se trouvait sa fille… Ne parlez pas si haut…

— Mais pourquoi avez-vous pleuré ?

— Ah ! monsieur Sanine, je ne sais pas pourquoi !

— Personne ne vous a fait du chagrin ?

— Oh non ! Je me suis sentie tout à coup très accablée… J’ai pensé à Giovanna Battista… à ma jeunesse… Comme tout cela a vite passé !… Je deviens vieille, mon ami, et je ne peux pas en prendre mon parti… Je me sens toujours la même qu’autrefois… mais la vieillesse est là… elle est là…

Sanine vit poindre des larmes dans les yeux de Frau Lénore.

— Cet aveu vous surprend ?… Mais vous aussi vous deviendrez vieux, mon ami, et vous apprendrez combien c’est amer.

Sanine voulut consoler madame Roselli en lui parlant de ses deux enfants dans lesquels renaissait sa jeunesse ; il essaya même de tourner la chose en plaisanterie, en prétendant que c’était une manière de demander des compliments… mais elle le pria très sérieusement