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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/190

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presque jetés dans les bras l’un de l’autre.

Sanine, tout en marchant, se disait qu’il voyait Gemma sous un nouvel aspect : il remarquait certaines particularités dans sa démarche et dans ses mouvements, et que tous ces riens lui devenaient chers, qu’il les trouvait exquis !

Et Gemma avait conscience de l’impression qu’elle faisait sur lui.

Ces jeunes gens aimaient pour la première fois ; tous les miracles du premier amour s’accomplissaient en eux.

Le premier amour, c’est une révolution ! Le va-et-vient monotone de l’existence est rompu en un instant ; la jeunesse monte sur la barricade, son drapeau éclatant flotte très haut, et quel que soit le sort qui lui est réservé — la mort ou une vie nouvelle — elle envoie à l’avenir ses vœux extatiques.

— Tiens ! on dirait que c’est notre vieux, s’écria Sanine en indiquant du doigt une forme drapée qui côtoyait rapidement le mur et avait l’air de vouloir passer inaperçue.

Au milieu de cet océan de bonheur, Sanine éprouvait le besoin de parler à Gemma, non