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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/243

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et cette fois il se contenta de penser « Oui, on avait raison de me dire que cette dame est fort belle ! »

S’il ne s’était pas trouvé dans cet état exceptionnel, il se serait certainement exprimé autrement.

Marie Nicolaevna, née Kolychkine, était une femme qu’on ne pouvait s’empêcher de remarquer. Ce n’est pas qu’elle fût une beauté incontestée : on distinguait nettement en elle les traces de son origine plébéienne. Le front était bas, le nez un peu charnu et légèrement retroussé : elle ne pouvait pas se glorifier non plus de la finesse de sa peau, ni de l’élégance de ses mains et de ses pieds… mais que signifiaient ces détails ?

Celui qui la voyait ne restait pas en contemplation devant une « beauté sacrée » comme disait le poète Pouchkine, mais devant le prestige d’un vigoureux et florissant corps de femme, russe et tzigane… et il n’y avait pas moyen de ne pas tomber en arrêt devant elle.

Mais l’image de Gemma protégeait Sanine, comme le triple bouclier que chante le poète.