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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/285

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On aurait dit qu’elle se glorifiait d’être née dans un milieu bas ; elle racontait des anecdotes assez étranges sur ses parents quand elle était enfant.

Sanine comprit que Maria Nicolaevna avait souffert dans sa vie plus que la plupart des jeunes femmes de son âge.

Quant à Polosov il mangeait avec réflexion, buvait attentivement et de loin en loin seulement levait sur sa femme et Sanine ses petits yeux blanchâtres qui paraissaient aveugles, mais, qui en réalité voyaient très bien.

— Tu es bien sage, dit Maria Nicolaevna tout à coup à son mari… tu t’es si bien acquitté de toutes mes commissions à Francfort… Je t’embrasserais sur ton cher front, mais tu n’aimes pas cela…

— Non, je n’y tiens pas… répondit Polosov en coupant l’ananas avec un couteau d’argent.

Maria Nicolaevna le regarda et frappa sur la table avec ses doigts.

— Eh bien ! notre pari, le tiens-tu ?

— Oui, je le tiens !

— Bien, mais tu le perdras.

Polosov poussa son menton en avant.