Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’il avait pu un moment se concentrer en lui-même, mais il n’eut le loisir ni de se concentrer, ni de se juger.

Maria Nicolaevna ne perdait pas non plus son temps.

Et tout cela, parce qu’elle trouvait Sanine très bien ! Involontairement on se dit : « comment savoir de quoi peut dépendre notre perte ou notre salut. »

Enfin, la pièce finit ! Maria Nicolaevna pria Sanine de lui mettre son châle, et resta immobile pendant qu’il enveloppait dans les plis moelleux du cachemire des épaules vraiment royales. Elle prit le bras du jeune homme et laissa presque échapper un cri : derrière la porte de la loge se tenait, avec un air de revenant, Daenhoff, et par-dessus son dos le vilain museau du critique de Wiesbaden guettait la sortie de Maria Nicolaevna. Le visage huileux de « l’homme de lettres » rayonna de malice.

— Me permettez-vous, madame, de faire avancer votre voiture ? demanda le jeune officier à madame Polosov, avec un tremblement de colère mal dissimulée dans la voix.

— Non, merci ; répondit-elle, mon laquais