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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/321

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faut permettre à nos chevaux de respirer un peu.

Ils se remirent en marche. D’un grand coup de main, Maria Nicolaevna rejeta en arrière ses cheveux. Elle examina ses gants et les retira.

— Mes mains sentiront le cuir, dit-elle… Mais cela nous est égal.

Elle souriait et Sanine souriait aussi.

Cette course échevelée les avait rapprochés et unis.

— Quel âge avez-vous ? demanda-t-elle tout à coup.

— Vingt-deux ans.

— Est-ce possible ?… Moi aussi j’ai vingt-deux ans… C’est un bon âge… Additionnez toutes nos années et vous serez encore loin de la vieillesse… Pourtant il fait chaud… Dites-moi, est-ce que je suis rouge ?

— Comme une fleur de pavot !…

Elle passa son mouchoir sur son visage.

— Dès que nous serons dans le bois, il fera frais… C’est un vieux bois… comme qui dirait un vieil ami… Avez-vous des amis ?…

Sanine réfléchit un instant.

— Oui, j’en ai… mais peu… De vrais amis, je n’en ai pas…