Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais la honte l’étouffait — même en ce jour, après tant d’années écoulées, il a peur de ce sentiment de mépris pour lui-même qui reviendra, il le sait, noyer sous sa vague toutes les autres impressions, s’il n’ordonne pas à sa mémoire de se taire.

Mais il a beau se détourner de ces souvenirs, il ne parvient pas à les effacer complètement.

Il se rappelle la vilaine lettre, fausse et pleurnichante, qu’il a envoyée à Gemma et pour laquelle il n’a pas reçu de réponse…

Après une pareille trahison pouvait-il la revoir, retourner chez elle ?… Non ! non ! Il avait encore assez de conscience et d’honnêteté pour ne pas commettre une telle action. Il avait perdu toute confiance en lui, tout respect de soi-même, il ne pouvait plus rien garantir.

Sanine se rappela encore comment, après — ô honte ! — il envoya le valet de Polosov à Francfort pour prendre ses effets ; et lui, il avait peur, il ne pensait qu’à une chose, partir le plus vite possible pour Paris, pour Paris ! Il revit comment, sur l’ordre de Maria Nicolaevna, il fit la cour à son mari, et l’aimable avec Daenhoff, qui avait au doigt une bague