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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/170

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Le garçon rappelé remporta l’écrevisse, non sans éclater derrière la porte. On ne rit pas moins ensuite à la cuisine über diese Russen. Le Diamant brut, qui avait continué à plaquer des accords pendant l’opération de l’écrevisse, en se bornant aux modes mineurs… car on ne sait pas ce qui peut agir sur les nerfs même d’un crustacé, joua son éternelle valse et fut, bien entendu, chaudement applaudi. Piqué d’émulation, le comte X…, notre incomparable dilettante (voyez le premier chapitre), dit une chansonnette de sa composition, entièrement empruntée à Offenbach. Son badin refrain : « Quel œuf ! quel bœuf ! » fit balancer de droite et de gauche presque toutes les têtes des dames ; une d’elles frappa légèrement des mains, et aussitôt l’inévitable exclamation : « Charmant ! charmant ! » s’échappa de toutes les lèvres. Irène échangea un coup d’œil avec Litvinof, et une expression railleuse effleura de nouveau ses lèvres. Cette expression fut encore plus visible un moment après, et prit une teinte de joie maligne, lorsque le prince Coco, représentant et protecteur des intérêts nobiliaires, imagina de développer ses opinions devant le spirite, et ne manqua pas naturellement l’occasion de glisser sa célèbre phrase sur l’ébranlement de la propriété russe, sans ménager, naturellement, les démocrates. Le sang américain bouillonna chez le spirite ; il s’élança dans la discussion. Comme à l’ordinaire, le prince commença aussitôt à crier à gorge déployée, répétant sans cesse, au lieu de donner des raisons : « C’est