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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/172

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que le dernier. La conversation effleura, dans le courant de la soirée, énormément de sujets, évitant soigneusement tout ce qui présentait un peu d’intérêt réel ; après avoir terminé leur jeu majestueux, les généraux y prirent majestueusement part ; l’influence de ces hommes d’État se fit sentir aussitôt. On commença à parler des célébrités du demi-monde parisien, dont les noms et les talents se trouvèrent connus de tous ; on parla de la dernière pièce de Sardou, du roman d’About, de la Patti dans la Traviata. Quelqu’un proposa de jouer au secrétaire, mais cela ne prit pas. Les réponses n’avaient pas de sel, mais en revanche beaucoup de fautes d’orthographe ; le gros général raconta qu’il lui était arrivé une fois, à la demande : « Qu’est-ce que l’amour ? » de répondre : « Une colique remontée au cœur, » et éclata immédiatement de son pesant rire. La ruine lui appliqua un coup d’éventail sur la main, mouvement énergique qui détacha de son front un peu de stuc, dont elle plâtrait son visage. L’ex-bas-bleu fit mention des principautés slaves et de la nécessité de faire de la propagande orthodoxe sur le Danube ; mais elle ne rencontra pas d’écho. En somme, c’est sur Home qu’on discutait le plus volontiers ; la reine des guêpes daigna elle-même raconter qu’elle avait vu des mains monter sur ses genoux, et qu’elle avait mis à l’une d’elles sa propre bague. Irène pouvait triompher : car même si Litvinof avait fait plus attention à ce qui se disait autour de lui, il n’aurait pas récolté