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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/208

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avec un air attentif, presque scrutateur. — La situation n’éprouva nul changement devant la Conversationhaus, à la petite table autour de laquelle ils s’assirent tous quatre, avec cette seule différence qu’au milieu du bruit de la foule et du fracas des instruments, le silence de Litvinof paraissait moins extraordinaire. Capitoline Markovna avait complètement perdu la tête ; c’est à peine si Potoughine pouvait suffire à lui répondre et à satisfaire sa curiosité. Pour son bonheur, dans la masse des promeneurs apparut la sèche figure de madame Soukhantchikof avec ses yeux éternellement prêts à sauter sur vous. Capitoline Markovna la reconnut immédiatement, l’engagea à venir à leur petite table, la fit asseoir et aussitôt éclata une tempête de paroles. Potoughine se tourna vers Tatiana et entama la conversation avec elle d’une voix lente et douce, avec une expression affable sur son visage légèrement incliné, et elle, à sa propre surprise, lui répondait avec aisance ; il lui était agréable de causer avec cet étranger, cet inconnu, tandis que Litvinof était comme auparavant immobile sur sa chaise avec le même sourire inerte et mauvais sur les lèvres…

Vint l’heure du dîner, la musique cessa, les promeneurs devinrent plus rares. Capitoline Markovna dit affectueusement adieu à madame Soukhantchikof. Elle l’avait en grande estime, quoiqu’elle dît ensuite à sa nièce que cette personne était trop enthousiaste, mais qu’en revanche elle était au fait