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Page:Tristan - Union ouvrière, 1844 (2e édition).pdf/159

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chir mûrement, s’il est possible, à l’idée que j’apporte, Voici nettement le fond de ma pensée :

Par instinct, par religion, par système, j’aime et je veux la justice. — J’aime et je veux l’ordre. — L’amour, qui émane du Créateur et qui vivifie l’âme de toute créature, cet amour me fait comprendre la solidarité qui unit l’individu au tout. Je veux la justice pour tous, parce que de la justice naît l’ordre général, et que de l’ordre général naît le bien-être, la richesse, la sécurité, l’activité féconde ; or, c’est là le bonheur.

C’est uniquement en vue de l’ordre, que je veux que la classe ouvrière réclame son droit au travail et son droit à l’instruction morale et professionnelle, parce que du degré d’instruction de cette classe dépend nécessairement une augmentation dans les produits, et du travail de la classe la plus nombreuse dépend évidemment la richesse et la prospérité du pays. — Je veux que la classe ouvrière réclame au nom du droit, afin qu’elle n’ait plus aucun prétexte de réclamer au nom de la force.

Par instinct, par religion, par système, je proteste contre tout ce qui émane de la force brutale, et je ne veux pas que la société soit exposée à souffrir de la force brutale laissée entre les mains du peuple, pas plus que je ne veux qu’elle ait à souffrir de la force brutale placée entre les mains du pouvoir. Dans l’un et l’autre cas il y aurait injustice, et conséquemment désordre.

Si on refuse d’accorder au peuple le droit à l’instruction et le droit au travail, qu’arrivera-t-il ? Que ce peuple, aigri par la souffrance, exalté par des lectures qui lui montrent l’horreur de sa position sans lui indiquer aucun moyen d’en sortir[1], deviendra de plus en plus brute, grossier, vicieux et méchant. Dans cet état, la peuple sera pour les classes riches un ennemi redoutable, et la sécurité générale, la prospérité du pays seront constamment menacées. — Qui oserait songer sans

  1. Les ouvrages de M. de Lamennais, et tant d’autres dans le même ordre d’idées.