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Page:Tristan - Union ouvrière, 1844 (2e édition).pdf/160

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effroi à la perturbation effroyable qui peut résulter pour le pays de la haine et de l’animosité de dix à douze millions d’ouvriers sans instruction, sans direction morale, sans garantie de travail ? — Abandonnés ainsi, les ouvriers deviennent dans la société française un corps formidable dont pourrait disposer le premier intrigant politique qui voudrait troubler l’ordre ; et, de même que les esclaves dans la société romaine, les ouvriers iraient toujours se ranger sous l’étendard du Catilina qui attaquerait la société.

Oui, je demande que la classe ouvrière se constitue en corps, se fasse représenter à la Chambre, et quoique certains esprits rétrogrades puissent trouver cette mesure très révolutionnaire, je soutiens, et je vais le prouver, que c’est au contraire une mesure d’ordre.

Souffrants, abandonnés et sans guide, les ouvriers sont exactement dans la position d’un homme atteint d’une grave maladie et sans médecin pour le soigner. Dans cette cruelle situation, le malade s’inquiète, s’agite, et prend au hasard tous les remèdes que le premier charlatan passant dans la rue vient lui offrir. — Ces remèdes, au lieu de le soulager, aggravent encore son mal, et plus il est souffrant et affaibli, plus il se présente de charlatans qui veulent lui faire prendre leurs drogues. — Eh bien ! le peuple est absolument dans la situation de ce malade. Si on lui refuse de choisir, pour défendre ses intérêts et réclamer ses droits, un défenseur légal, homme probe, dévoué et consciencieux, qu’arrivera-t-il ? — Que les intrigants de tous les partis iront lui proposer de le défendre, et comme on ne pourra agir légalement et au grand jour, on formera des sociétés secrètes, où, comme nous l’avons vu depuis 1830, les ouvriers membres de ces sociétés, au lieu de s’occuper des véritables intérêts du peuple, sont dupes et victimes de quelques meneurs politiques. — Dans ces sociétés on ourdit des complots, des conspirations, des émeutes, des assassinats. — La tranquillité publique est troublée, la prospérité du pays est en souffrance ; le pouvoir s’effraye, et,