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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/120

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Enfin, le premier-ministre arracha la démission de Malesherbes, par une scène d’humeur habilement ménagée. Cet autre homme de bien, abreuvé de dégoûts au sujet des réformes qu’il proposait dans son département, n’avait conservé son portefeuille que sur les instantes prières de Turgot. Il disait avec douleur à quelques amis : « Les peines que prend Turgot, les épargnes qu’il effectue, ne tourneront pas au profit du peuple : il n’y a pas de remède possible au gaspillage. » La retraite de Malesherbes laissa alors le champ d’autant plus libre aux manèges de Maurepas, qu’on prétend que le contrôleur-général, pour lui causer moins d’ombrage, évitait de travailler seul avec le roi. De ce moment, Louis XVI témoigna la plus grande froideur à Turgot ; et ce dernier, au lieu des explications loyales qu’il paraît avoir provoquées de la part du prince, n’en reçut qu’un avis indirect de se démettre de ses fonctions. Mais, blessé de cette injustice, il répondit qu’il attendrait l’ordre de son renvoi, et ne se retira, en effet, que devant cet ordre, qui lui fut apporté, le 12 mai, par l’ancien ministre Bertin[1].


    à l’intervention du ministre principal, car le directeur de la poste ne serait pas resté longtemps en place, s’il eût voulu s’en tenir à la lettre de l’institution.

  1. Les lettres suivantes servent de commentaire aux événements qu’on vient de résumer :
    Lettre de M. de Maurepas à Turgot.
    Ce 12 mai 1776.

    Si j’avais été libre, Monsieur, de suivre mon premier mouvement, j’aurais été chez vous. Des ordres supérieurs m’en ont empêché. Je vous supplie d’être persuadé de toute la part que je prends à votre situation. Mme de Maurepas me charge de vous assurer qu’elle partage mes sentiments. On ne peut rien ajouter à ceux avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.

    Réponse de Turgot.
    À Paris, le 13 mai 1776.

    Je reçois. Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Je ne doute pas de la part que vous avez prise à l’événement du jour, et j’en ai la reconnaissance que je dois.

    Les obstacles que je rencontrais, dans les choses les plus pressantes et les plus indispensables, m’avaient depuis quelque temps convaincu de l’impossibilité où j’étais de servir utilement le roi, et j’étais résolu à lui demander ma liberté. Mais mon attachement pour sa personne eût rendu cette démarche pénible. J’aurais