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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/55

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la plus légère attention, ils découvrirent que le travail agricole se distinguait essentiellement de celui de l’industrie proprement dite. En agriculture, établirent-ils, l’ouvrier produit nécessairement au delà de sa subsistance ; et c’est ce phénomène seul qui a rendu tous les autres travaux, et par conséquent la civilisation, possibles. On ne peut nier, en effet, que, si la providence eût combiné l’ordre économique de telle sorte que les hommes, à mesure qu’ils se multipliaient, n’eussent pu demander au sol que ce qui était indispensable au soutien rigoureux de leur existence, il n’y eût jamais eu dans le monde d’autres occupations que la chasse, la pêche, l’élève des bestiaux et le labourage. Mais, puisqu’il en a été autrement, et qu’à côté de ces industries fondamentales et qui se suffisent à elles-mêmes, il s’en est élevé mille autres qui n’ont pas en soi leur principe d’existence, elles l’ont donc tiré d’ailleurs. Et d’où serait-ce, sinon de cet excédant, de ce superflu de matières premières indispensables à nos besoins, que donne le travail agricole, ou du produit net de la terre ? S’il est incontestable, et les physiocrates démontrent cette vérité par des arguments restés jusqu’à ce jour sans réponse concluante, que ce produit net, touché par les propriétaires, sous le nom de rente ou de fermage, soit le fonds sur lequel vivent ces mêmes propriétaires, et subsistent en partie tous ceux qui ne prennent point part aux travaux de l’agriculture, ne doit-on pas reconnaître que le travail agricole est le travail par excellence, ou le ressort, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui communique le mouvement à tous les rouages du mécanisme économique de la société ?

Cette théorie, savamment développée par les physiocrates et surtout par Turgot, ne les empêche pas d’admettre la distinction, conçue plus tard par Ad. Smith, entre la terre, le capital et le travail, comme éléments de la richesse. Mais ils ne la considèrent que comme un simple artifice de méthode, parce que, selon eux, le capital dérive de la terre, et que le travail industriel (manufacturier et commercial) n’est qu’un