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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/571

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Il en résulte que les peuples qui sont dans ce cas amassent aisément, par l’excès de leurs salaires sur leurs besoins qu’ils savent restreindre, des capitaux qui font baisser chez eux l’intérêt de l’argent et leur assurent par là un "nouveau titre de préférence, une nouvelle augmentation de salaires. — C’est sur ces salaires supérieurs à leurs besoins, que les Hollandais peuvent acquitter leurs dépenses publiques et continuer de s’enrichir.

Ils n’ont point produit ces salaires, ni les richesses qui les payent ; ils les ont légitimement gagnés par leur travail, que leur situation a rendu à la fois lucratif pour eux, utile à ceux qui l’emploient ; ils les ont gagnés comme les commissionnaires de nos grandes villes gagnent le leur.

Dans les pays riches et civilisés, les savants illustres, les grands médecins, les grands artistes, les grands poètes et même les grands comédiens, peuvent gagner aussi d’honorables salaires, vivre dans l’aisance, supporter des dépenses considérables, exercer la bienfaisance, amasser des capitaux. Personne ne pense qu’ils aient produit aucune de ces richesses qu’ils acquièrent, dont ils disposent, que leur transmettent — qui ? les propriétaires des terres ; lesquels les tiennent — de qui ? des cultivateurs, des avances et du travail de la culture : avances, travail dont la marche ne peut être gênée ni interrompue sans destruction, et c’est dans cette dernière maxime que consiste, comme je l’ai déjà dit, la théorie de l’impôt.

L’auteur, et ceux qui partagent son opinion, insistent et reprennent : « Puisqu’il y a des gens qui gagnent de forts salaires, ils peuvent donc payer l’impôt : vous convenez que les Hollandais en payent qui soutiennent leur république. — Pour que cet impôt ne soit point arbitraire et se proportionne à peu près aux facultés, ne convient-il pas qu’il soit levé sur les consommations ? »

À cela je réponds :

1o Que les Hollandais ajoutent le besoin qu’ils ont de payer l’impôt à leurs autres besoins, auxquels doivent pourvoir les salaires que leur payent les autres nations ; de sorte que, sauf la portion qui pèse directement sur le territoire de la Hollande, ce sont les autres nations qui payent l’impôt de cette république.

2o Qu’il est impossible de faire payer aux consommateurs non propriétaires l’impôt sur leurs consommations, parce que dès qu’on l’établit, ils sont forcés ou de restreindre leurs consommations, ou