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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/141

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n’y a certainement pas renoncé. Aussi, dans le fait, n’a-t-on jamais contesté au propriétaire le droit de creuser des fossés et des puits dans son terrain, ni le droit d’y prendre de la pierre pour bâtir.

§ II. Droit d’empêcher les autres d’y faire aucune ouverture. — Si le droit de fouiller la terre dans son champ est une suite inséparable de la propriété, le droit d’empêcher les autres d’y fouiller est une conséquence immédiate de cette propriété. En effet, dès que les conventions sociales, fondées et dictées par la nature même, ont établi qu’un homme pouvait, en cultivant un terrain, en le fermant, s’en assurer la possession exclusive, et qu’en vertu de cette propriété, acquise par le travail, il pouvait en interdire non-seulement la culture, mais jusqu’à l’entrée à tout autre ; il est évident que personne ne peut y fouiller que de son aveu. Toute la superficie est incontestablement l’objet de sa propriété ; donc nul ne peut, sans son consentement, ouvrir cette superficie.

§ III. Liberté générale de pousser les galeries sous le terrain d’autrui. — Il suit de là que, si l’on ne peut parvenir aux matières souterraines sans ouvrir la superficie du terrain sous lequel elles se trouvent, la propriété de la surface entraîne nécessairement celle des matières qu’elle couvre. Mais lorsqu’un homme a fait un puits dans son terrain, ou bien a ouvert une carrière sur la croupe d’un coteau, rien ne l’empêche de continuer la fouille et l’extraction des pierres, en poussant des galeries en tous sens sous le terrain d’autrui[1].

  1. Turgot est ici d’accord avec le Code civil pour nier le droit de l’État, mais il va moins loin que ce Code, en n’accordant pas le domaine du tréfonds au propriétaire de la surface.

    Quant à la législation antérieure à 1789, elle déclarait les mines propriété de l’État. Ce principe n’avait d’autre origine que la loi romaine, et la tradition l’avait importé d’abord dans le système féodal, où chaque seigneur prétendit être, dans l’étendue de son fief, l’héritier de la puissance des Césars. Mais, lorsqu’on eut retrouvé les Pandectes, les premiers légistes s’en prévalurent pour attribuer au prince seul certains droits qu’ils nommaient régaliens, et dans lesquels ils comprirent la propriété des mines. Ils auraient dû songer cependant que, sous ce dernier rapport, la législation qu’ils invoquaient n’émanait pas de Home républicaine, mais bien des empereurs, qui avaient érigé en droit tout ce qui pouvait profiter à leur cupidité insatiable. Il est vrai, du reste, que cette considération devait peu toucher des hommes qui préconisaient ces autres maximes impériales : Quod principi placuit legis habet vigorem. — Tam conditor quàm interpres legum solus imperator. — Puisqu’à leurs yeux le droit ne dérivait que de la volonté du prime, il était assez naturel qu’ils adjugeassent à celui-ci le domaine des mines, par la seule raison qu’il le convoitait. Mais, du moins, les jurisconsultes auraient-ils dû s’en tenir à ce motif, et ne pas chercher à leur doctrine un point