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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/251

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Le principe de regarder la dépense pour les chemins comme une charge locale, à laquelle chacun contribue à proportion de son intérêt, entraîne la conséquence de faire payer le clergé pour ses biens fonds. Cette conséquence n’est que juste ; cependant Votre Majesté imagine bien qu’elle excitera des réclamations : on pourrait absolument les éluder en demandant au clergé un abonnement particulier pour cet objet, mais je crois très-important de maintenir le principe. Votre Majesté verra, quand je lui rendrai compte en détail des vices des différentes natures d’impositions, que le principal obstacle à la réforme des impôts sur les consommations est la difficulté de faire payer aux privilégiés les impositions de remplacement.

Un des plus grands biens que Votre Majesté pût faire à ses peuples, serait de convertir la gabelle en un autre genre d’imposition moins vexatoire ; mais le clergé paye l’impôt sur le sel qu’il consomme, et il résistera à payer la même somme si on la lui demande directement.

Je n’ai proposé d’assujettir le clergé que pour ses biens fonds, sans y comprendre la dîme, et c’est sans doute une condescendance trop grande ; car les denrées que donne la dîme ne gagnent pas moins aux débouchés qu’offrent les chemins ; mais l’essentiel est d’établir le principe.

Les personnes auxquelles j’ai communiqué le projet de loi ont été frappées de la crainte que la dépense, par conséquent l’imposition des chemins, étant incertaine, ne pût être augmentée arbitrairement et recevoir des accroissements indéfinis. Ce danger ne me paraît pas réel ; car l’on ne pourrait faire monter très-haut la dépense des chemins, sans diminuer d’autant les facultés des peuples pour payer les autres impositions, et les besoins de l’État, toujours si pressants, engageront toujours les ministres de vos finances à refroidir les administrateurs particuliers sur la trop grande étendue de leurs projets. Ce sont ces mêmes besoins qui ont fait souvent résister à l’établissement d’une imposition pour remplacer les corvées, et l’objection mériterait considération, si la corvée n’était pas incomparablement plus onéreuse et plus nuisible au recouvrement des autres impositions, que ne peut l’être la contribution par laquelle elle sera remplacée.

Pour rassurer cependant les esprits contre la crainte d’une augmentation indéfinie, j’ai inséré, dans le préambule, que Votre