Aller au contenu

Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
LES DEMI-SEXES

un pressentiment, qu’elles devenaient presque toujours réalité. Un regard, un son de voix, un geste lui parlaient et lui révélaient ce qu’ils cachaient presque à tout le monde. Il enviait sincèrement ces bienheureux qui passent au travers des événements, sans rien voir de ce qu’on leur montre et qui restent jusqu’à la mort sans ôter le masque de leurs illusions. Un mobilier lui était ami ou ennemi ; une nuance, une forme, la couleur d’une étoffe lui plaisaient ou l’offusquaient ; une note fausse dans une conversation ou dans une mélodie suffisait à le guérir d’un caprice ou d’une admiration. Mais, par cela même qu’il était amoureux, tous les sens subtils de son être se trouvaient engourdis. Cette sensibilité nerveuse, cette secousse continue des impressions avaient brusquement cessé, car il ne vivait plus qu’en lui-même dans l’ivresse de son rêve.

Son petit appartement, au fond d’une cour, était silencieux comme un puits. Il n’entendait que l’égouttement de la pluie sur le pavé et le tic-tac régulier de sa pendule.

Tout à coup, sans aucun bruit de serrure qui l’eût averti, sa porte roula lentement sur ses gonds et demeura à moitié entre-bâillée. Il