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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/143

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LES DEMI-SEXES

vues, vint lui dire « qu’il ne fallait plus compter sur les visites régulières de Camille, la baronne de Luzac étant fort souffrante depuis la veille ».

Julien ne répliqua pas, mais il se souvint que la jeune fille avait précisément, la veille, passé la soirée hors du logis : son aïeule n’était donc pas aussi malade qu’on voulait le lui faire croire ?… Beaucoup de petits détails lui revinrent à la mémoire, et, pour la première fois, un horrible sentiment de jalousie pénétra en son être. De sinistres lueurs illuminèrent des événements demeurés obscurs jusque-là : Camille justifiait toutes ses craintes ; elle était insensible et cruelle !… Il n’avait pas encore surpris de larmes dans ses yeux… Au théâtre, une scène attendrissante la trouvait froide et ironique… Elle réservait toute sa finesse pour elle et ne devinait ni le malheur ni le bonheur d’autrui !… Un soir, elle l’avait humilié devant Nina par un de ces gestes, par un de ces regards qu’aucune parole ne saurait peindre… Mille petits faits oubliés se représentaient à sa mémoire, s’illuminaient d’une clarté singulière. Souvent il accompagnait Camille à l’Opéra avec des indifférents. Là, près d’elle, tout entier à son amour, il la contemplait éperdu-