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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/144

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LES DEMI-SEXES

ment, épuisant son âme dans la double jouissance d’aimer et de retrouver les mouvements de sa passion bien rendus par l’inspiration du musicien. Son ardeur était dans l’air, sur la scène ; elle triomphait partout, excepté chez sa maîtresse.

Comme le premier soir où il avait été si heureux, il attendait que la main de Camille vînt s’abattre sur la sienne… Mais, elle demeurait immobile, et c’était lui qui prenait, en tremblant, la petite main indifférente, étudiant les traits et les yeux de la jeune fille, sollicitant une fusion de leurs sentiments, une de ces soudaines harmonies qui, réveillées par les notes, font vibrer les êtres à l’unisson… Hélas ! la main restait muette et les yeux clairs ne disaient rien.

Quand le feu de cet amour proclamé par tous les traits de Julien la frappait trop fortement, elle lui jetait un sourire contraint et fatigué. Les divines pages des Maîtres ne semblaient pas l’émouvoir, aucun sentiment ne lui traduisait la poésie de sa vie. Elle se produisait là comme un spectacle dans le spectacle, et ses yeux vagues erraient de loge en loge avec lassitude. Il se disait, injustement, d’ailleurs, qu’elle était victime de la mode, que