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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/193

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LES DEMI-SEXES

À table, le sculpteur ne parut pas davantage faire attention à elle. Poussé par Tissier qui désirait le faire briller, il parla des maîtres anciens, critiqua finement les tendances nouvelles, raconta ses impressions sur toutes les merveilles d’art connues par lui, rendit visible l’étonnante griserie que la grâce des formes faisait entrer par ses yeux dans son âme.

« Cependant, je suis belle aussi, pensait Camille, et il ne m’a même pas honorée d’un regard ! »

— Oui, poursuivait-il, pendant cinq ans j’ai parcouru le monde, en contemplant du marbre, de la pierre et du bronze métamorphosés en chefs-d’œuvre sous l’inspiration des maîtres.

— Il ne faudra pas inviter souvent ce monsieur-là, murmura Nina à l’oreille de la jeune fille ; il est sévère comme un jour de pluie !

Mais Camille écoutait Georges avec intérêt.

— Il ne me déplaît pas, répondit-elle.

Et elle lui dit en souriant :

— Vous aimez donc votre art au-dessus de tout ?…

— Oui, mademoiselle, au-dessus de tout, parce que j’y trouve un profond et durable bonheur. Je tâche de manier le beau dans sa forme la plus pure et la plus haute. Je ne me